Départ d’Agen le 13 mai,
2 jours après le déconfinement.
Après deux mois passés à la campagne dans le Lot et Garonne, je décide de rentrer chez moi à Sete en vélo le long du canal du midi. J’aurais pu prendre le train mais j’ai envie d’un déconfinement en douceur et le vélo me paraît le mode de transport idéal. Je vais dépasser les 100km, je prévois donc mon attestation qui me permet de rentrer chez moi pour reprendre le travail.
Quelques questions avant le départ :
- le canal est fermé à la circulation des bateaux , est il possible de le suivre en vélo ?
- vais je trouver des hébergements, les hôtels étant fermés
- Et pour me restaurer ? Pas de restaurants ni de cafés ouverts …
Première étape
Je me fais accompagner à Agen avec -avant le départ- un passage chez Décathlon pour faire réviser mon vélo et changer un pneu. Le magasin est vide, le masque obligatoire, le gel hydroalcoolique à la porte. Je profite des 50 euros offerts par l’état pour la révision de mon vélo, je suis la première à en bénéficier !
Avant le départ nous cherchons à nous restaurer et nous mangeons un mauvais panini dans la voiture sur le parking… Il faut que le virus soit passé par là pour accepter ce type de restauration et de décor.
Je prends donc la route, sous un temps gris et frais pour une petite étape qui me mène à Malause. Finalement, grâce à Airbnb, j’ai trouvé une location dans un délicieux pigeonnier. L’hôte vie dans la maison d’en face, nous n’avons pas à cohabiter. J’oublie l’idée d’un petit resto et je me prépare une soupe chinoise avec un peu d’eau chaude.
Seconde étape
Je pars au petit matin en ayant l’idée de prendre un petit déjeuner devant le fameux tympan de Moissac. C’est sous la pluie et face au cloître fermé que j’avale un café à emporter et un croissant, trouvé dans la seule boulangerie ouverte. Évidement, j’aurais préféré m’installer au chaud dans un café en attendant que la pluie cesse, mais aucun lieu pour m’abriter je continue donc ma route pour Grenade. Le canal est désertique, les voies navigables sont toujours fermées à la circulation. Les péniches dorment le long des berges et les écluses restent désespérément fermées.
Je traverse Montech à la recherche d’un endroit où faire une pause mais c’est ville morte, à l’exception d’un tabac qui propose des cafés à emporter et je me retrouve donc buvant mon café sur un banc dans une ville vidée de ses habitants.
J’arrive à Grenade et trouve un peu de vie et un bel appartement tout confort m’attend. Juste le temps de repérer un restaurant qui fait des plats à emporter avant qu’un déluge de pluie ne tombe sur la ville. Je fais les 100 pas sous la halle en attendant que la pluie cesse. Douche chaude bon dîner solitaire et une bonne nuit en perspective.
Troisième étape
Au petit matin, j’avale un café “en terrasse” accoudée à une barrique devant la magnifique halle de Grenade désespérément vide, alors que quelques habitants masqués font la queue devant la banque.
Prochaine étape Toulouse. Le temps s’améliore la pluie a cessé, les berges goudronnées roulent bien. Je retrouve une amie qui est venue me rejoindre pour un picnique le long du canal.
Nous reprenons la route ensemble jusqu’à Toulouse. L’ atmosphère y est plus joyeuse; la proximité de la ville et le week-end ont fait sortir les Toulousains, marcheurs, joggers, cyclistes cohabitent. Le caractère bucolique des premières étapes laisse place à l’industrialisation des faubourgs de Toulouse ce qui manque de charme.
Je profite d’être à Toulouse pour acheter une nouvelle selle et retrouver un peu de confort en roulant.
Quatrième étape
Magnifique voie cyclable à la sortie de Toulouse où l’on retrouve très vite la campagne, encore beaucoup de monde jusqu’à Ramonville Saint-Agne puis le calme revient, accompagné de la pluie.
Je désespère de trouver quelque chose à manger lorsque je vois une pizzeria ouverte sur une route longeant le canal… Il pleut, j’aimerais me mettre à l’abri sous leur auvent mais c’est interdit. Alors il ne me reste plus qu’à enfiler ma cape de pluie et rester sur le bord du canal. Je savais en partant que le projet du canal du midi ne ressemblerait en rien aux belles images idylliques de péniches passant les écluses et de terrasses au soleil que l’on voit sur les sites vantant cette randonnée. Là, je constate que le canal sous le signe du covid est, en effet, bien différent et moins festif. Pour cette étape je n’ai pas trouvé de Airbnb, et les multiples appels aux chambres d’hôtes n’ont rien donné. Personne ne m’accueille. Sans instructions précises aucun des propriétaires des gîtes n’a voulu entamer le déconfinement. Je commençais à désespérer sur mes chances d’ avoir un abri pour le soir lorsque je découvre qu’un hôtel a ouvert ses portes à Villefranche du Lauraguais. Je me réjouis de pouvoir boire une bière sur leur terrasse, cachée à l’arrière du bâtiment et je grignote dans ma chambre les quelques victuailles achetées dans l’unique épicerie-charcuterie ouverte… Il y a bien un Intermarché mais je n’ai pas très envie de rentrer dans une grande surface.
Cinquième étape
Le lendemain, café croissant sur un banc face au parking avant le départ. C’est sans doute le plus difficile d’être “à la rue”.
À chaque étape, dans chaque village traversé, je rêve d’une d’une petite pause agréable… Je trouve parfois tout fermé, quelque fois une boulangerie ou un tabac servent du café, mais qu’il est triste d’arpenter un village ou une ville vide et sans un lieu accueillant. Au mieux je trouve un banc, plus souvent un bout de trottoir. Le plaisir de la pause retombe vite. Je reprends la route sous le soleil cette fois, mais la pluie a fait place au vent, je roule jusqu’à Castelnaudary, la lumière est splendide et la piste goudronnée a laissé place aux chemins de terre, à la suite du changement de département , de la Haute Garonne à l’Aude. Je passe d’écluse en écluse sans voir âme qui vive, les toilettes et les points d’eau sont fermés et trouver des toilettes dans les villes est une gageure, sans café ni restaurant ouverts. J’arrive à Castelnaudary avec un vent violent, j’arpente une ville désertée, je commence à me demander si je vais pouvoir me ravitailler, je ne trouve qu’une boulangerie au port. Je me réjouis de voir une porte marquée « toilette » mais l’accès m’est interdit. Je me cale dans un petit coin de terrasse désaffectée pour manger mon sandwich.
Je constate un peu plus loin les longs parkings de bateaux de loisir stockés là en attendant le retour des touristes. Je continue ma route jusqu’à Alzone, mais le chemin s’est transformé en piste, et mon vélo en VTT. La piste est un mélange d’ornières sèchées par le soleil et le vent ou de boue si l’eau a stagné dans les creux. Tout ceci ralenti mon rythme. J’arrive enfin face à une grande maison où François et sa femme m’accueillent chaleureusement et je découvre une chambre de rêve pour un repos bien mérité.
Sixième étape
Je repars avec l’idée de déjeuner à Carcasonne. Les chemins sont de plus en plus étroits et les herbes et orties sur les bas côtés me fouettent les mollets. En arrivant je grimpe directement vers la cité, intriguée de la voir vide… La horde des touristes habituellement agglutinée dans les petites rues a disparu. J’arpente les rues désertes où les enseignes des restaurants me mettent l’eau à la bouche mais rien, aucune vente à emporter. Je croise deux couples qui recherchent comme moi de quoi se restaurer. On fini par trouver un glacier ouvert proposant des crêpes au jambon… Contre mauvaise fortune bon cœur, rien de gastronomique mais cela remplira un estomac vide. Nous nous installons sur le trottoir le temps d’avaler la crêpe.
Prochaine étape Trèbes, un aménagement de pierres blanches rutilantes bordent le canal, on imagine les terrasses pleines, les bateaux accostés et les enfants courant, mais aujourd’hui je suis la seule à occuper les lieux, un café à la main trouvé dans l’épicerie Portugaise restée ouverte. J’en profite pour acheter une boîte de conserve de Bacalau qui me tiendra lieu de dîner du soir.
Je quitte le canal un peu plus loin pour monter jusqu’à Douzens. Retrouver une bonne route goudronnée et la vue sur la campagne me réjouis. Je me pause dans une chambre bien agréable et profite d’une petite table dans la cour pour un petit apéro tout en discutant avec mes hôtes.
Septième étape
Je dois rejoindre Le Grau d’Agde aujourd’hui mais cela me semble très difficile vu l’état des chemins, le soleil qui dard et le vent qui souffle. Je décide de rejoindre Lezignan-Corbieres pour prendre le train pour Béziers. De là je remonte sur mon vélo pour arriver dans un beau petit studio à 100 mètres de la mer au Grau.
Huitième étape
Celle-ci est courte, je retrouve rapidement le Lido et je vois au loin la ville de Sète se détacher sous un ciel bleu. Une amie m’attend sur la plage pour déjeuner. Je prends mon premier bain de mer, contente d’arriver chez moi, 8 jours après avoir quitter Agen.
Je reprendrai un jour la route dans l’autre sens pour découvrir le canal sous un jour plus riant.
Si tu le refais dans l’autre sens je viens en train avec mon vélo et on repart ensemble ! J’aimerais trop ! Des bisous du Lot
La photo de Sète de loin m’emplit de nostalgie, c’est fou! Merci d’avoir partagé avec nous Solène. Je suis rassurée maintenant que tu es arrivée à bon port!
Mon dieu quel périple… par contre, que c’est joli!
En te lisant je me souvenais de nos moments à écrire nos aventures éthiopiennes, chacun de son côté mais tjrs proche, nos relectures et parfois nos galères pour publier.
Le même voyage avec du beau temps, des rencontres et des petits restos doit être bien sympathique en effet.
Bonjour Solène, cela fait plaisir de lire ces petits carnets de voyages tous simples qui donnent du baume au cœur, la vie simplement.
Au plaisir de revenir pour un stage bientôt.
Cathy